Si Elie vous fait coucou sur Facebook, surtout n’attendez pas pour répondre : peut-être que demain il n’aura plus de connexion, peut-être même que tout à l’heure il n’aura plus d’électricité pour son téléphone.
Elie vit au Bénin et nous parle de SA vie, la vraie. Pas celle des reportages larmoyants et bien-pensants. Il témoigne et veut agir pour trouver des solutions. Parce que chez lui, il y a pire que la connexion internet et l’électricité… il y a l’eau, celle qui manque, celle qui tue. Elie nous explique le problème de l’eau au Bénin et son projet de puits aménagé.
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J’ai discuté avec Elie en culpabilisant de lui « user » sa connexion et son électricité. Alors je ne lui ai demandé que l’essentiel. Je reprends ses mots tels quels, avec leur formulation typique. Pour aller plus loin, j’ai téléphoné à Daria, qui est béninoise mais fait actuellement des études en Allemagne (pas de problème ni de connexion, ni d’électricité, ni d’eau) de nous expliquer certains points culturels. Vous les retrouverez en annotation. Voici donc un article international à souhait.
Un homme instruit et impliqué dans la vie communautaire
À l’état civil je suis Élie SAGBO. Âgé de 30 ans, je suis un mini-cadre de mon village ayant fait 2 ans d’études universitaires après le BAC.
Des études supérieures modernes
Ma maman a pu me soutenir jusqu’en 3eme mais après le BEPC, son économie a régressé. Alors le directeur du collège avait trouvé une opportunité d’aide : avec l’appui d’une fondation française (fondation Odon Vallet) j’ai pu passer le bac dans la suite de ma scolarité.
En 2008, je suis revenu au village pour commencer à œuvrer au développement de mon milieu. Ça a commencé par les cours de sciences physiques que je donnais dans le collège de mon arrondissement en tant qu’honoraire puis après j’ai travaillé avec la coopération technique belge au Bénin dans mon département sur le programme d’appui au secteur de la santé où il était question de recueillir les plaintes des populations et de les remonter aux instances de décision de la zone sanitaire pour l’amélioration de la qualité des soins offerts à ces dernières. Le programme a aussi consisté à la vérification communautaire de l’enquête trimestrielle organisée à l’endroit des patients pour leur avis sur les soins qui sont donnés dans les formations sanitaires pour le compte du financement basé sur les résultats (FBR) où j’étais le superviseur d’enquête. J’ai étudié l’informatique, suivi aussi une formation en production animale et halieutique (en lien avec la pêche) et bien d’autres dans le domaine de l’agroalimentaire. J’exerce actuellement en tant que producteur animal. Depuis environ un an, j’ai mis sur pieds une coopérative de 11 membres dans l’élevage des poulets avec l’appui de ESF-Benin. C’est cette coopérative qui a eu l’idée d’initier ce projet de puits aménagé dont je veux vous parler aujourd’hui.
Améliorer la vie de sa famille
De ma famille, je n’ai que ma mère qui vit car mon papa est décédé en 1988. Je n’ai donc pas connu mon papa. J’ai deux grands frères et trois grandes sœurs. Seul le plus grand frère était sorti de son apprentissage de soudure autogène et travaillait avant la mort de notre papa. Les filles se sont mariées sans passer par l’école et sans apprentissage. Je suis le seul à avoir été envoyé à l’école parmi nous tous. Heureusement mon cursus scolaire a marché et je n’ai eu à faire aucune classe ni examen deux fois. Ma mère a vieilli présentement et même pour aller à l’église je l’amène à moto puis la ramène sans quoi, elle ne peut plus y aller.
Moi-même je suis marié et j’ai trois enfants. On vit tous dans le village où les conditions d’eau et d’électricité ne sont pas toujours normales. Je souhaite vivement que mes enfants étudient et j’espère avoir à chaque fois le minimum pour leur assurer les études. L’aîné est maintenant au CP.
Il faut dire que je ne suis pas salarié donc je gagne ma vie en cumulant des petits services aux personnes qui me sollicitent pour mes capacités en informatique, la mobilisation communautaire….et je suis aussi payé par le centre de santé du village pour faire les déplacements et aller déposer leurs recettes en banque. Avec tout ce que je gagne ici et là sur mes prestations, on peut estimer cela à 10.000 CFA. Ce qui n’est pas le cas tous les mois. C’est une situation de précarité totale.
Actuellement pour être abonné au réseau électrique standard, la demande coûte 240.000 francs CFA sans compter les accessoires à acheter soi-même. Pour Internet, les forfaits varient de 100f à 25.000f avec des durées allant de 24h à un mois. Moi je ne suis jamais arrivé à payer pour un mois. Mais pour 24h, si tu ne consommes pas tout avant le délai, ils prennent encore le reste et c’est fini. (NDLR : système des forfaits sans report de minutes). Je rappelle que les forfaits internet sont pour la navigation mais pour les appels, il faut acheter du crédit d’appel par un abonnement prépayé. Un crédit de 100f correspond à un appel de 1min40s en trafic local.
Les panneaux ordinaires pour l’éclairage avec la batterie et câbles coutent environs 190.000f. Il y a possibilité de faire les travaux pour avoir les prises pour faire fonctionner les appareils électroménagers….mais les coûts aussi sont énormes.
La vie au village de Zouzouvou
Le commerce dans mon village se limite à l’achat, le stockage et la revente des produits vivriers puis la vente des divers (genre de boutique). IL n’y a pas d’entreprise mais ce serait une bonne idée d’en installer une qui pourrait travailler dans la transformation des produits agricoles. Un télécentre pourrait bien marcher car pour des choses du genre, il faut toujours aller en ville qui est à 10km de nous.
La population de Zouzouvou était estimée à 2417 habitants en 2013 mais elle a régressé en 2017, passant à 2156 habitants, dont 761 enfants. Cette diminution est due au taux croissant de mortalité infantile. Cela s’explique par le développement des maladies hydriques après consommation d’eau de ruissellement et d’eau de puits non-aménagés et aussi le paludisme.
Selon les dernières campagnes de Journées Nationales de Vaccination contre la Polio en avril 2018, les enfants de 0 à 5 ans sont au nombre de 486 à Zouzouvou. Le village a vu sa première école créée en 2005 et a un effectif actuel de 275 écoliers, des enfants de 6 à 12 ans.
Structure administrative locale
Pour situer son village, Elie nous précise:
Le Bénin a douze 12 départements, dont le Kouffo
Djakotomey est l’une des 6 communes que compte notre département le kouffo
Sokouhoué est l’un des 10 arrondissements qui composent la commune de Djakotomey.
Zouzouvou fait partie des 11 villages que compte l’arrondissement de Sokouhoué
Zouzouvou est composé de 9 hameaux et est dirigé par un chef. C’est un village principalement agricole comme bien d’autres au Bénin grâce aux facteurs suivants : le climat de type subéquatorial est caractérisé par la succession annuelle de quatre saisons , deux pluvieuses et deux sèches. Les sols sont adaptés à plusieurs cultures
La population vit de l’agriculture sous forme de travaux champêtres, de la chasse et du développement de quelques « activités génératrices de revenus ».
Un pouvoir politique inefficace pour régler le problème de l’eau au Bénin
Notre village est dirigé de façon successive par des sages qui ne savent ni lire ni écrire mais se font assister par des répondants ayant un niveau acceptable en Français. L’actuel chef de Zouzouvou, un septuagénaire, a pris fonction depuis 2008.

la place du village
Il faut souligner avant tout que les politiques ne sont pas sensibles aux véritables maux des populations autrement, leur priorité est ailleurs. Le problème de l’eau au Bénin et la solution simple d’un puits aménagé dans chaque village ne sont pas leur priorité, La preuve, les démarches à l’endroit des élus locaux pour l’aménagement des voies, la réhabilitation des citernes et autres sont restées sans suite. La politique depuis des années a consisté à favoriser l’élection des non-instruits aux postes politiques au détriment des lettrés qui voient autrement la politique de développement. Sur ce, les nouvelles réformes en cours dans le pays sont salutaires et j’espère que cela donnera vraiment ce qu’on attend.
Les choses pourraient changer si des gens éclairés arrivent à accéder aux fonctions politiques pour régler les vrais problèmes des villageois. Depuis novembre 2017 je participe avec un mouvement naissant à l’éveil de conscience des jeunes surtout pour soutenir lors des élections à venir. Rien que des jeunes pour pallier aux maux qui minent notre développement. Le mouvement est dénommé FNR, Forces Nouvelles pour la Relève, avec comme guide dans le département l’ancien maire (jeune aussi) de ma commune avec qui je forme l’équipe qui pilote les activités du mouvement
Des infrastructures inexistantes hors des villes
Seulement 3 des 9 hameaux que compte le village sont raccordés au réseau électrique conventionnel.
Récemment, pendant une averse, un arbre est tombé sur les câbles électriques, les sectionnant et privant les hameaux de l’énergie électrique. A force d’appels, les techniciens sont finalement venus réparer. Je souligne que moi je n’ai pas le courant dans mon ménage tout comme beaucoup d’autres foyers car les coûts liés à la demande d’être abonné sont énormes. Donc je vis sans courant et pour faire mes messages, il faut sortir et aller chez les voisins …. Même pour charger mon téléphone. Actuellement l’alternative des panneaux photovoltaïques est la bienvenue vu les atouts du soleil mais l’acquisition du matériel est aussi problématique.
Pour ce qui est des routes, on vous laisse juger sur les photo d’Elie… par temps sec !! Et pour le problème de l’eau au Bénin et ce projet de puits aménagé, on en parle en détails dans le chapitre suivant (on est là pour çà!!)
Le vrai problème de l’eau au Bénin
Elie ne semble pas trop inquiet de l’électricité ou de la connexion internet, en revanche la mission qu’il s’est donné dans la vie, c’est de réduire le problème de l’eau au Bénin, au moins dans son village, pour ceux qu’il aime. IL veut un puits aménagé à Zouzouwou.
Des ressources naturelles limitées
Nous ne vivons que de l’eau des puits non-aménagés ou des citernes de rétention d’eau de ruissellement.
Les sources d’alimentation en eau du village restent le puits non-aménagé construit en 1993 (49 mètres de profondeur, utilisation manuelle= seau au lieu d’une pompe) et les réservoirs artificiels de rétention d’eau de ruissellement.
Danger sanitaire mortel avec les puits non-aménagés
La consommation de ces eaux expose la population en général aux risques de développement des maladies hydriques comme le choléra.

citerne de rétention remplie d’eau de ruissellement
Un puits aménagé limite les contaminations bactériennes car ils sont plus propres: la pompe permet de remonter l’eau sans que les seaux sales qui ont trainé par terre puissent ensuite toucher les parois, et meme l’eau en réserve au fond. Avec un puits aménagé l’eau arrive à un robinet et coule directement DANS le seau.
La corvée de l’eau au Bénin met les femmes en danger
Les sources ne sont pas forcément au village. Les femmes et jeunes filles font de longues distances avant de trouver de l’eau . Avec les puits non-aménagés, elles doivent lancer leur seau et le remonter à la main, ce qui est physiquement très difficile et fatiguant. Elles sont aussi exposées à plusieurs dangers sur leur chemin (viol, enlèvement de mineurs, adultère, mariage forcé…).

puits non-aménagé dans un lieu isolé loin du village
Les tuyaux d’un puits aménagé peuvent conduire l’eau jusqu’au village et éviter aux femmes des trajets dangereux et épuisants.
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Appel à l’aide pour construire un puits aménagé
Situation urgente : Nous avons besoin de vous pour ce projet.
Les membres de la coopérative KPODONOU ont tenu une réunion suite à laquelle la décision suivante a été prise :

citerne « moderne » avec l’eau distribuée par un tuyau
Nous devons lancer une campagne de mobilisation de ressources financières pour fournir l’eau potable aux populations de ZOUZOUVOU et BITOUHOUE en République du Bénin. La situation est alarmante. La coopérative qui est une initiative communautaire de la localité, manque cruellement de financement pour la construction d’un puits aménagé et répondre à cette préoccupation. Nous avons besoin de mobiliser des donateurs pour atteindre la somme de 7.500€ pour y arriver.
Pour vous aussi faire connaitre votre cause,
racontez un moment fort, heureux ou pas, de votre vie associative
en publiant un article sur le blog participatif de Choup.online.
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